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DOSSIER DU MOIS:
MIGRATION IRRÉGULIÈRERE : A LA DÉCOUVERTE DU CHEMIN DE LA MORT
Des migrants dans le désert libyen vers un hypothétique El Dorado.
De nombreux Ivoiriens figurent parmi ces milliers d’Africains qui perdent la vie dans le désert ou dans la méditerranée. En quête d’un hypothétique El dorado en Europe. Notre enquête nous a permis de découvrir la route qu’empruntent ces clandestins ivoiriens à partir de Yamoussoukro, pour attendre les côtes européennes. S’ils y parviennent. Une enquête réalisée par OUATTARA Abdul-Mohamed Correspondant permanent à Yamoussoukro.

Pendant que les regards sont tournés vers Daloa, ville ivoirienne identifiée  comme le point de recrutement et de départ des candidats à l’émigration clandestine vers l’Europe ;  Yamoussoukro, capitale politique et administrative du pays, est le véritable épicentre de ce phénomène ravageur.

En effet, cette ville est la plateforme de transit des migrants qui partent de la Côte d’Ivoire pour  la mer méditerranée avant de rejoindre les côtes européennes. Le transbordement se fait par le canal de la société Sonef, une compagnie de transport  installée à Yamoussoukro dont les responsables disent ignorer les vraies intentions de leurs différents passagers.

Le dimanche 1er octobre 2017, nous nous faisons passer pour des aventuriers. Des personnes contactées  nous informent qu’il n’y a que la compagnie de transport Sonef qui rallie la Côte d’Ivoire à la ville d’Agadez située dans le nord du Niger. Le voyage dure 24 heures au maximum, nous apprend-on. Le ticket pour la liaison directe Yamoussoukro-Agadez  est à  52.000 fcfa.  Les départs ont lieu  tous les jours  à partir de 6h du matin.

Il y a également la possibilité de descendre à Niamey, la capitale du Niger, à 35.000 fcfa, avant  d’emprunter un autre véhicule pour Agadez à 24.000  fcfa. Soit, un total de 59.000 fcfa.  La première option est celle qu’utilisent les réseaux d’émigration clandestine vers l’Europe.

UN TRAFIC QUI RAPPORTE GROS À DES RÉSEAUX MAFIEUX

Une source au fait du réseau mais qui a requis l’anonymat, pour des raisons évidentes de sécurité, nous informe que les migrants proviennent de diverses localités de la Cote d’Ivoire. Entre autres, de  Daloa, Soubré, Divo, Abidjan, San-Pedro etc.  Ils arrivent souvent par convois via  minicars de transport en commun communément appelés « Massa ». « Les rabatteurs font les recrutements dans les autres villes, mais les migrants passent presque tous par Yamoussoukro. C’est ici qu’ils viennent prendre les cars qui se rendent directement au Niger », indique notre source. Avant de lancer discrètement à un jeune homme, candidat, à l’émigration clandestine : « Si vous voulez aller en Libye, il vous faut avoir un réseau. Il faut connaitre quelqu’un qui va vous conduire d’Agadez en Libye où il faut avoir aussi un passeur qui va vous faire traverser la mer.  Il y a des malhonnêtes certes, mais si vous connaissez des gens, il n’y a pas de problème ».

A quelques pas de nous, un individu tente en vain de dissuader un migrant clandestin de s’en aller vers l’inconnu. Il lui raconte même la mésaventure de sa cousine bloquée à Bamako (Mali).  « Ma cousine Awa a été abordée par un homme à Abidjan qui a promis de l’envoyer au Qatar. Pendant son escale à Yamoussoukro, elle m’a appelé pour me dire qu’elle se rendait au Mali avec un “vieux père“.

De Bamako, elle devrait rejoindre le Qatar comme promis. A sa grande surprise, elle a trouvé  d’autres jeunes filles qui attendaient dans un hôtel à Bamako. Elles y ont été rassemblées par cet homme qui se faisait passer pour son “vieux père“. Elle a constaté que ce dernier n’avait pas de pratiques claires parce qu’il leur a arraché leurs documents. Un jour, elle nous a appelés un jour pour nous dire qu’elle est servante au Koweit. Mais depuis lors, nous n’avons plus de ses nouvelles». 

Le témoignage de cet homme qui tente de décourager le jeune homme, candidat à l’émigration clandestine, montre  clairement qu’il s’agit de réseaux clandestins bien organisés.  EnCôte d’Ivoire,  ces réseaux ont des représentants à Abidjan et dans certaines  villes du pays. Ceux-ci sont chargés d’aborder  les candidats.  Ils leur font miroiter l’eldorado en Europe ou dans les pays du Golf.  L’émigration clandestine vers l’Europe se fait en plusieurs étapes. 

Après le recrutement, les migrants sont convoyés de la Côte d’Ivoire jusqu’à Agadez, ville située dans la partie septentrionale du Niger, plaque tournante du phénomène. Dans cette localité, selon nos sources, se trouvent des intermédiaires  qui hébergent  les candidats à l’émigration clandestine, en attendant le jour de leur départ vers la Libye ou l’Algérie.

Ces intermédiaires ou passeurs sont appelés « Yantchaga » qui signifie « passeurs » en haoussa, langue parlée au Niger.  Ces passeurs sont souvent des ex-combattants en Libye ou d’anciens migrants.  La deuxième étape consiste à rallier Sebbah, la première ville du sud de la Libye. La troisième étape est de quitter Sebbah pour Sebratha  ou d’autres villes du nord de la Libye.

Et enfin la quatrième étape est la traversée de la mer méditerranée pour atteindre les régions de Lampedusa et de Sicile  en Italie. A chaque niveau, il y a des passeurs qui proposent leurs services payants aux migrants clandestins.

LE RÈGNE DES PASSEURS ET LES «MAISONS DE CRÉDIT»

Le déplacement d’Agadez à Sebbah,  long d’environ 1500 km, se fait soit en pick-up, soit en camion. Les tarifs varient en fonction des véhicules. Mais le migrant doit  débourser au moins 150.000 fcfa.   Les migrants sans argent à partir d’Agadez sont pris en charge par les « Yantchaga » qui règlent le transport pour ceuxci. Une fois à Sebbha,  les migrants sont conduits  dans des « Guidan Bashi » qui veulent dire  « maisons de crédit ». 

Le responsable de cette maison qui héberge les migrants en Libye rembourse les frais du transport aux chauffeurs. A son tour,  il fait appeler les  familles des migrants dans leurs pays d’origine pour se faire rembourser tout en montant les enchères. Un fait que nous confirme un gérant de cyber-café  à Yamoussoukro dont la famille a été victime d’un cas similaire.

« Nous avions un cousin qui faisait son petit commerce à Yamoussoukro. Soudain, il a disparu. Près d’un mois après, il  a appelé sa mère d’un pays étranger pour lui dire qu’il était entre les mains de ravisseurs qui lui réclament 200. 000 fcfa avant de le relâcher. Sa mère apeurée  lui a expédié l’argent», a-t-il expliqué. Lorsque la famille ne s’exécute pas, le surveillant du “Guidan Bashi“, pour rentrer dans ses fonds, vend le migrant, tel un esclave, sur le marché du travail. 

Les migrants qui ne doivent pas aux “Yantchaga“ sont quant à eux remis à d’autres passeurs qui vont les convoyer jusqu’aux villes du nord de la Lybie dont Sébratha où se trouvent également des relais qui se chargent de la traversée. A ces derniers, il faudra verser une somme variant entre 1000 et 3000 dollars  soit entre 500.000 fcfa et 1.500.000 fcfa. La traversée de la méditerranée se fait sur des embarcations de fortune. Ce n’est pas tous les jours qu’il y a des départs.

Les passeurs attendent des périodes favorables avant de lever l’ancre. L’attente peut prendre plusieurs jours voire des semaines.

DES TÉMOIGNAGES ÉMOUVANTS DE MIGRANTS SUR LA TORTURE EN LYBIE

Si certains migrants parviennent à atteindre l’Europe après la traversée périlleuse de la méditerranée, d’autres périssent en mer. Ou même dans le désert. Des personnes rencontrées à Yamoussoukro qui sont en contact permanent avec des correspondants  au Niger et en Libye nous ont révélé que le parcours Yamoussoukro-AgadezSebbah-Sébratha-Lampedusa via la méditerranée constitue un véritable enfer pour les migrants. 

La soif, la faim, la torture, la prison,  l’esclavage et la mort sont les réalités qu’ils côtoient. Parmi  les passeurs figurent parfois des bandits de grands chemins recherchés par les forces de l’ordre. Pour échapper aux patrouilles de l’armée et aux postes de contrôle des forces de l’ordre du Niger et de la Libye qui les dépouillent aussi de leurs biens, ils empruntent des voies détournées.

D’Agadez à la frontière libyenne, en empruntant la route normale, le migrant  doit prévoir, en plus du coût de transport, la somme de 30.000 fcfa  correspondant à des frais supplémentaires à payer aux différents postes de contrôle  sur ce tronçon de 1150 km.

Cette situation en rajoute aux souffrances des voyageurs qui doivent affronter la chaleur et la poussière du désert et parfois le froid insupportable. Sans oublier la soif et la faim qui sont au rendez-vous. Souvent,  les convois font l’objet d’attaques de  bandes armées qui exigent des rançons aux familles des migrants qu’ils kidnappent.  Selon les médias nigériens, 44 migrants issus de divers pays ouest-africains ont été retrouvés mort dans le désert, le 21 mai 2017. Le 25 juin de cette année, soit un mois plus tard, 20 autres migrants ont pu être secourus.

Ceux-ci faisaient partie d’un convoi de 70 personnes dont 50 sont portées disparues.  « Nous savons que nous ne pouvons plus traverser la méditerranée puisque les Ong ne veulent plus nous aider. Nous sommes au courant de ce qui se passe en ce moment en mer. Quand j’étais en prison, nous avons vu des migrants arriver. Ils étaient dans la même cellule que nous.

Ils nous ont expliqué qu’ils étaient en méditerranée, et que les garde-côtes libyens, qu’on appelle “Asma boys“, les ont récupérés. Ils leur ont dit qu’ils allaient les aider à rentrer chez eux, qu’ils les ramèneraient à l’aéroport.  Mais à leur grande surprise, ils se sont retrouvés en prison. Des messieurs sont venus les voir et ils ont été vendus. Quand les garde-côtes libyens nous récupèrent en mer, ils ne nous renvoient pas dans nos pays. Ils nous vendent depuis des prisons à Sabratah et à Tripoli.

Il vaut mieux mourir en méditerranée que de vivre dans ces prisons où chaque matin vous êtes battu, maltraité. Ils branchent le courant électrique sur vous. Beaucoup n’arrive pas à supporter la douleur… Quand ils sentent que vous voulez mourir, ils vous emmènent dans le désert et ils vous abattent », rapporte un migrant clandestin ivoirien, rescapé, de l’enfer libyen. Avant d’ajouter que la torture est le lot quotidien des migrants qui tombent aux mains des militaires libyens.

1073 IVOIRIENS MORTS EN MER DE JANVIER À CE JOUR

Un jeune camerounais bloqué en Lybie que nous avons eu au téléphone grâce à un contact témoigne également. «Ils nous obligent à faire des travaux forcés sans salaire. Nous sommes exposés à de graves dangers. A la fin, beaucoup de migrants décèdent parce que les Libyens ne veulent pas les conduire dans les centres de santé. Je ne peux pas vous décrire tout ce qu’il se passe ici en Lybie. Moi, un homme est venu me chercher dans la prison où j’étais à Sabratha. C’est comme ça que ça fonctionne. Les Libyens viennent vous acheter directement dans des prisons pour vous faire travailler dans des fermes, souvent en plein désert. Il m’a emmené avec lui pour que je travaille dans son champ de pommes de terre. Une fois arrivé sur place, j’ai réussi à m’enfuir pendant qu’il parlait avec un autre Libyen. Je me disais : « S’ils veulent me reprendre, ils devront me tuer ». J’ai couru longtemps, j’avais mal aux pieds. Je me suis caché au bord de la route. J’entendais les voitures qui passaient à toute vitesse. Quand je suis sorti de ma cachette, j’ai croisé un homme noir. Je lui ai demandé de l’aide. Il m’a emmené chez lui, m’a donné à manger.

Le lendemain, il a arrêté un camion qui allait vers Sabah. C’est comme ça que je suis arrivé ici. J’ai rencontré un groupe d’Ivoiriens. Ils m’ont dit que eux aussi, ils avaient été vendus. Ils m’ont pris avec eux. Nous vivons  avec une quarantaine de personnes dans une maison en chantier à Sabah. Nous travaillons tous pour un Libyen. Il ne nous paye pas, mais il nous donne à manger et il nous loge. Cela fait déjà trois ans que je suis ici.

J’aimerais aller en Europe. Cela fait des mois que j’attends de pouvoir traverser la méditerranée. Mais je n’ai pas assez d’argent. Je mourrai ici. Même si j’arrive à monter dans un canoe, je pense que les garde-côtes m’arrêteront en mer et ils me vendront », a-t-il relaté. Ce jeune camerounais dit vouloir quitter cet enfer. Il s’est confié, en août dernier, à une Ong de lutte contre l’émigration clandestine pour ce faire.

Comme lui, un jeune ivoirien qui a réussi à franchir la méditerranée pour atteindre l’Europe ne souhaite pas que les candidats à l’émigration emprunte le chemin de la mort. «Je ne peux pas vous dire ce qui se passe en Libye. Par la grâce de Dieu, j’ai pu m’en sortir.  Je ne conseille pas cette aventure  que j’ai vécue à quelqu’un d’autre », a-t-il répondu  pendant que nous échangions avec lui sur Facebook en compagnie de  l’un des ses frères vivant en Côte d’Ivoire.  

« Mon frère s’est retrouvé en Europe par miracle. Nous avions cru qu’il était mort. Parce que son compagnon de route qui est arrivé à bon port avant lui, nous  a dit que leur bateau avait chaviré. Plusieurs mois, plus tard, il nous a joints pour nous dire qu’il était en vie. Il nous a informés que leur embarcation avait fait un naufrage dont il fut un des rescapés», nous explique le frère vivant à Yamoussoukro Selon les statistiques d’organisations de lutte contre l’émigration clandestine,  la Côte d’Ivoire est passée de la 10ème à la 4ème place des pays dont les ressortissants traversent la méditerranée pour l’Europe.

De janvier 2017 à ce jour, l’on a enregistré 1073 migrants ivoiriens naufragés, dont des femmes et des enfants. Et toutes ces personnes empruntent  le chemin de la mort. A savoir l’axe Yamoussoukro-Niger-Libye Méditerranée.

Service Communication avec Notre Voie , Une enquête réalisée par OUATTARA Abdul-Mohamed Correspondant permanent à Yamoussoukro.
2017-07-10
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